Les « toiles » de Laurence PAPOUIN sont l'emblème de l'ambiguïté des choses. Toile désigne à la fois un matériau qui est propre à la peinture mais aussi à réaliser des objets à usages domestiques comme la nappe en toile cirée ou le torchon. Il y a depuis l'aventure moderniste et les avant-gardes historiques, un passage constant entre les arts et ceux « dits » décoratifs ; entre le système de l'art et celui de la production. On porte des pulls et on se sert de serviettes Mondrian. On rencontre le pop'art sur les sets de table et les serviettes de bains.

Laurence PAPOUIN avec ses « toiles/serviettes » opère un retour de l'objet vers l'œuvre mais d'une façon telle que celle-ci est comme hantée par celui-là, à la lisière de son absorption par l'objet. Paradoxalement ses « toiles » sont constituées de ce qui est le médium par excellence, la modernité picturale : l'acrylique, qui n'est autre chose qu'un matériau plastique. Leur format rectangulaire évoque bien sur le tableau ; mais le mode de fixation et le poids de la peinture même les rabattent vers l'objet. Voici donc une peinture abstraite qui flirte avec le trompe-l'œil et incarne « réalistement » l'expérience de l'abstraction et son intégration dans le système des objets.

Philippe Cyroulnik
Extrait du catalogue Sculpture en l'ile, 2011